Aux grands hommes
Un chat de bronze est assis au centre d’une salle immense. Il attend pour l’éternité Malraux, son maître. A ses côtés de lui, une boule métallique de la taille d’un ballon de football va et vient lentement entre la Justice, la Patrie, la Mort et la Gloire. Ici demeurent Emmanuel Cretet et Hypolite Antoine Morena, mais aussi Voltaire et Rousseau. LePanthéon.
Pablo et Veronica arrivent de Miami. Ils ont choisi de venir ici, entre la Tour Eiffel et l’Arc de Triomphe. Ils veulent voir le tombeau de Voltaire et celui de Marie Curie. « C’est dommage, regrette Pablo, tous les textes d’explication sont uniquement écrits en français » Un peu plus loin, Martine est venue en voisine, avec ses deux enfants d’une vingtaine d’année. Ils habitent le IVe arrondissement de Paris. « On avait une heure à perdre » explique-telle, « Non à gagner » la corrige sa fille Mathilde. Elle trouve que pour une cathédrale laïque, l’ambiance est très christique.
Le monument a la forme d’une église, dédiée par Louis XV à Ste Geneviève. Il devait rivaliser avec la basilique Saint-Pierre, ses proportions sont colossales. Les colonnes porteuses ont la taille d’un baobab. Au centre de l’imposant espace, le dôme culmine à 67 m. Un pendule de Foucault oscille au rythme de deux battements par minute. Au bout d’un très long fil, cette sphère métallique décrit un cercle qui démontre concrètement la rotation de la terre. Au fond du chœur, s’élance la statue d’une femme Autour d’elle des soldats de pierre l’acclament silencieusement. Ce chef-d’œuvre de la statuaire pompier représente la convention nationale. Elle est surmontée par une fresque représentant le Christ bénissant les touristes. Le rapprochement est étonnant mais les visiteurs n’en ont cure. L’ampleur du lieu fait résonner le sabir international des lieux touristiques de la capitale. Les touristes, attirés par la fraicheur ne semblent guère impressionnés. Une mère joue avec sa fille.
Descente à la crypte, l’atmosphère est plus recueillie. Il est de bon ton de chuchoter car Abdoulaye, un des gardiens du temple, à tôt fait de tancer le visiteur trop bruyant d’un « Chuut » péremptoire et sonore. Le contraste avec le niveau principal est brutal : les voûtes sont si basses que le visiteur et quasi-oppressé. Elles ont été rénovées récemment si bien que le calcaire blond découpé au cordeau évoque de façon incongrue une station de métro miniature revue et corrigée par Ricardo Bofil. Voltaire dont la statue en pied accueille le viseur, fait face à Rousseau. Au fil de la déambulation, les noms connus ou inconnus défilent. Zola, Hugo, Braille, Schoelcher, Cretet, Morena, généraux d’Empire. Au total 73 grands hommes demeurent ici pour l’éternité.
Assis sur un banc au fond d’un couloir, un petit garçon s’ennuie. Juline une jeune femme au look de businesswoman, prend des notes, elle prépare une chasse au trésor pour l’entreprise de garde d’enfant culturelle (sic) qu’elle va ouvrir le mois prochain. Au centre de la crypte, Aline une des gardiennes, ne se fait pas prier pour parler de ses « pensionnaires » « Savez-vous que le cercueil de Marie Curie est entièrement plombé ? Son corps est radio-actif. Et Pasteur, lui est ici sans ses mais. Elles sont restées à Arbois son village natal, après négociation avec le le maire qui ne voulait pas laisser partir le corps de son savant. Fin de la visite, perchée dans l’inévitable boutique de souvenir, Marie, une jolie brune accompagne le visiteur d’un dernier sourire. Ses meilleurs clients sont les espagnols et les italiens, devant les américains. Son best-seller est le Petit prince de St Exupéry.
En sortant sur la rue Soufflot, clin d’œil à l’architecte du monument, le visiteur est inévitablement impressionné par la grandeur de hommes qu’il vient de quitter. Qu’il se rassure pourtant l’un d’entre eux n’a eu que pour seul mérite de vider d’augustes pots de chambre. Hyacinthe Hugues Timothée de Comé fut le chambellan de la mère de Napoléon. Nul ne sait quelles par quelles paroles immortelles le Malraux de l’époque l’a invité a entrer au Panthéon.