Photo N. CouchotLe visiteur aperçoit de loin la tour carrée crénelée qui domine le vignoble et se dit “encore une invention d’un architecte néo-moyenâgeux”. Pour accéder à la visite, on traverse une cour pavée agrémentée de jets d’eau en croisant un ouvrier agricole en train de repeindre un porte. Les apparences sont trompeuses. “Bienvenue à Chateau Coutet ! - s’exclame Aline Baly - vous venez d’Alsace ? Nous sommes le château alsacien du sauternais, je vais vous raconter…” Le visiteur attentif apprend que le château date du XIIIe siècle, la tour carrée est donc d’époque. Longtemps propriété de la famille Lur-Saluces, celle d’Yquem, le château a abrité les écuries du plus prestigieux des Sauternes. La légende veut qu’un tunnel relie les deux maisons mais il n’a jamais été localisé. “J’aimerais bien le trouver un jour, il doit receler quelques belles bouteilles” poursuit la guide, qui cache son titre de Directrice Marketing et communication, préférant parler de son domaine avec une passion communicative. Une pointe d’accent américain trahit sa formation dans les meilleures écoles d’outre Atlantique. Elle est revenue au bercail à la demande de son oncle - le pseudo ouvrier agricole aperçu en arrivant - et constitue la troisième génération à la tête du domaine. La famille n’est pas issue du sérail bordelais, ici on ne se la joue pas “grande maison”. Le grand-père, transporteur alsacien, voulait investir dans la région, il s’est décidé selon la légende familiale en un week-end, à acheter Coutet, mis au défi par ses amis de relever un tel challenge. Très vite il a compris que le vin est un métier et que porter un nom chargé d’histoire confère quelques devoirs. C’est pourquoi il s’est rapproché d’une grande famille du vignoble qui assure la vinification et la distribution. Place à la visite, elle commence naturellement dans la vigne, par une leçon de climatologie : les cinq communes de l’AOC Sauternes sont au confluent du Ciron et de la Garonne. Les eaux froides du premier provoquent dès la fin de l’été des fréquentes brumes matinales qui se dissipent comme dans tous les bulletins météo en cours de journée. L’alternance quotidienne de brume et de chaleur favorise le développement du précieux Botrytis cinerea, “pourriture noble” qui donne son caractère au vins de l’appellation. Dans le pressoir on note à côté u matériel pneumatique moderne, d’énormes presses verticales venues de Lyon. Cette particularité du domaine intéresse beaucoup d’oenologues. En substance, elle permet au prix d’un surcroit de main d’oeuvre un pressurage prolongé des précieux raisins. Passage dans les chais, longs de 100 mètres où s’alignent les barriques. Dans ces écuries reconverties le vin vieillit doucement pendant 18 mois. C’est enfin le moment de la dégustation, le vin de Coutet et opulent à l’extrême, on y cherche un peu le côté tranchant censé être lié à son nom - qui vient de couteau - mais on y trouve sans peine les notes d’ananas caractéristiques. Aline Baly le recommande avec de la dinde ou un beau plateau de fromages. L’usage traditionnel en vin de dessert lui fait un peu friser le nez, qu’elle a joli. Fin de la visite, aux antipodes des parcours formatés de la plupart des grandes maisons, le visiteur a bénéficié d’un accompagnement chaleureux et vivant. Très impliquée dans l’exploitation, Aline Baly fait partager sa fierté d’un premier grand cru classé qui sait rester modeste.